1 Septembre 2010
Deuxième partie.
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Par leur paganisme, les grecs de l’antiquité représentèrent par le nu la somme de la beauté. L’Art Chrétien, qui considérait l’homme (& la femme) comme fruit de péché, y ajouta une dimension chaste emprunte de retenue. Sans doute dans la crainte de ce fanatisme religieux, l’art renaissant se limita à tenter éviter les bûchers des vanités, avant que des Titien et des Rubens ouvrent la voie esthétique de la représentation de l’Homme terrestre et qu’au siècle suivant le nu devienne frivolité, et enfin imaginaire romantique avecDelacroix.
A notre siècle, le nu, devenu « modèle vivant », est l’exercice type de la prépa aux concours d’entrée des écoles d’art ensad (arts décoratifs) ensba (beaux arts de Paris) Gobelins (école des métiers de l’image et du son, côté dessin d’animation) etc. Il permet à l’étudiant d’analyser les moyens d’expression de la matière vivante face aux matières non organiques, du corps dans l’espace, de son interaction sur l’environnement par l’action des contrastes de matières, de lumières, et de parvenir à créer l’illusion de la réalité – et de la vie ! – sur une surface en deux dimensions.
Le cours de nu du vendredi chez Koronin – 9h à 16h.
8h45, le modèle vivant va entrer en salle de classe. Tout est pour le recevoir : salle chauffée, étudiants à l’aise devant leurs chevalets ou pupitres – instruments & supports prêts. A 8h55 précise, la porte de l’atelier est fermée ; il n’y a évidemment rien de plus irrespectueux pour le modèle qu’un quidam qui arrive en retard et gêne d’autant le début du cours, notamment lorsqu’il commence par taxer ses copains parce qu’il a, en plus et généralement, oublié son matériel !
Le professeur fait la chasse aux personnes assises devant leur chevalet ; un chevalet d’atelier est fait pour travailler debout, car cette position vous permet de prendre rapidement du recul et d’embrasser du regard l’ensemble de votre feuille, sans pour autant modifier votre hauteur d’œil – et donc sans modifier l’espace perspectif !
9h, le professeur allume les lumières, rappelle ses consignes, répond aux questions et lance la première série de poses, en adéquation avec la demande de certains étudiants, qui incluront leurs croquis dans la démarche de leurs projets personnels.
Discussions avec le modèle : « tu peux accentuer tel geste, le faire suivre par tel autre ? Tu peux décomposer tel ou tel mouvement, les prépas Gobelins ont besoin d’une suite de six intervalles pour… »
- Prendre les mesures :
Le modèle prend la pose, définit dans un lapse de temps donné, disons 5 minutes. Tout étudiant doit – pour réussir à maîtriser cette discipline - être capable de croquer puis dessiner des poses allant de quelques secondes à plusieurs heures, sans faiblir dans la qualité plastique de rendu.
L’étudiant débute l’observation du modèle, bras tendu, usant d’un outil de mesure à sa convenance (crayon, manche rigide, grille mobile…). Cet instrument, à sa discrétion je le répète, lui sert à positionner sa ligne de vision, l’axe du corps mais aussi et surtout les directions prises par les diverses parties du corps et leurs juxtapositions. Rappelons au passage que cette méthode forme l’œil et devient moins essentielle au fur & à mesure de l’entraînement – d’autant si elle est régulièrement appuyée par d’autres exercices d’observation, de croquis hors de l’atelier comme dans le métro, la rue ou autres lieux dans lesquels le quidam n’attendra pas que vous preniez vos aises pour le dessiner !
- L’équilibre :
Le point remarquable du modèle doit être trouvé. Ce point remarquable est son équilibre. Il détermine le mouvement par dépassement de ce point et permet de dessiner votre modèle, la tension de la pose, en évitant le côté statique ou autre aspect de chute. Il transfère à la pose l’idée de poids, de placement ainsi que toutes les compensations des membres, postures des bras, jambes, appuis, écartement des pieds.
Photo Koronion : nu à la peinture sur papier noir. Poses de 5 à 7 minutes.
A suivre...
PhM.